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« Nécessité d'un document juridique pour le traitement des prisonniers au Congo », a déclaré Christian LOUBASSOU

par André LOUNDA 7 Juillet 2021, 09:47 société

 

«Les droits de la Personne Privée de Liberté en République du Congo» constitue le thème de la conférence de presse qui l'Action, des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture au Congo (ACAT Congo) en partenariat avec la Fédération Internationale des ACAT( FIACAT) a animé le vendredi 02 juin 2021 à Brazzaville.

Cette conférence de presse s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du projet mené par l'ACAT Congo et FIACAT intitulé : « Garantir l'accès des détenus en attente de jugement à la justice dans les prisons de la République du Congo » autrement intitulé : «  Projet de Lutte contre la Détention Préventive abusive au Congo ». Ce moment a été bien indiqué et une opportunité pour l'ACAT Congo et la FIACAT de présenter à l'opinion publique congolaise quelques dispositions nationales et internationales encadrant les droits des détenus applicables en République du Congo.

Sensibiliser l'opinion congolaise sur les droits des détenus, les conditions de détention, les normes internationales en la matière, l'impact sur les familles, et ainsi rappeler l'ensemble des garanties judiciaires d'application dans un État de droit; mettre à disposition de la population congolaise des informations sur les garanties judiciaires encadrant la détention préventive ; sensibiliser la population congolaise aux droits des détenus; encourager la population à s'approprier les garanties judiciaires entourant la détention préventive", sont les objectifs que l'ACAT Congo poursuit qui ont constitué la toile de fond de cette conférence de presse animé par Christian LOUBASSOU, Président de l'ACAT Congo qui dans son mot liminaire intitulé : Les Droits de la Personne Privée de Liberté en République du Congo a lancé ce plaidoyer afin de poser les bases pour le respect des garanties judiciaires et du droit des détenus qui s'appliquent pendant la phase de la détention primitive; au renforcement de synergie entre les administrations, pénitentiaires et les acteurs de la société civile afin de concourir au développement d'une politique publique claire sur la détention préventive et par conséquent diminuer le taux d détenus en attente de jugement ainsi que la surpopulation carcérale dans les quatre prisons cibles.

Pour y parvenir, l'ACAT Congo et la Fédération internationale des ACAT (FIACAT) proposent entre autres, de mettre à la disposition de l'opium publique congolaise des informations relatives au respect des garanties judiciaires du détenu, de nature à améliorer la situation des détenus qui, pour la plupart du temps sont les grandes victimes de cette situation. Il est par conséquent important que la population congolaise soit sensibilisée et responsabilisée dans la lutte contre la détention préventive abusive.

Selon Christian LOUBASSOU dans son mot liminaire que certaines personnes estiment que parler des droits du prisonnier est de l’utopie, surtout dans un pays comme le Congo. Compte tenu de son rôle éducatif, la prison prépare le détenu à la resocialisation. Cependant, les valeurs humaines consacrent à la dignité humaine, un minimum des droits fondamentaux y compris pour la personne privée de liberté. Être privé de liberté aujourd’hui ne signifie pas être privé des droits fondamentaux  et cela ne devrait pas laisser un regard indifférent à nos semblables. Les droits fondamentaux de la personne privée de liberté trouvent leurs fondements dans le fait que, quoique privés de liberté, celle-ci reste une personne à part entière avec tout ce que cela implique comme droits fondamentaux. Ces personnes doivent être respectées dans leur dignité. En plus d’être privée de liberté, ce qui peut paraître abstrait, cette personne est un ami, un parent, un collègue ou un proche de la famille. C’est pourquoi le sort de la personne purgeant une peine privative de liberté ne devrait laisser personne indifférent a-t-on appris.

Pour encadrer le séjour de la personne  privée de liberté en prison et consacrer les droits de ce dernier, un certain nombre de normes sont prises au niveau national, régional et international. Ces droits sont multiples et impératifs et concernent toutes les catégories de détenus : prévenus, condamnés, détenus faisant l’objet de mesures de sûretés ou d’une mesure de rééducation.

A ce propos, l’ancien président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing n’avait-il pas dit que « La prison c’est la privation de la liberté d’aller et de venir et rien d’autre ».  A notre niveau, pouvons-nous être d’accord avec cette assertion du Président Valery Giscard d’Estaing ? Où, on peut sèchement dire que la prison va au-delà de la privation de liberté d’aller et venir ? Ces dispositions sont contenues dans les normes internationales, régionales et nationales.

I. Quelles sont ces normes internationales qui consacrent les droits des personnes privées de liberté ?

Répondant à cette préoccupation, Christian LOUBASSOU, président de ACAT Congo a dit : Nous ferons référence ici à

  • la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 
  • et d’autres instruments pertinents élaborés dans le cadre de Nations Unies qui, sans avoir le caractère conventionnel traitent des droits de détenus.

Il s’agit notamment de :

• l’ensemble des règles minima relatives au traitement des détenus (RMT) qui, compte tenu des progrès accomplis dans les domaines du droit international et de la science pénitentiaire. 

Depuis 1955 a été modifié et le texte a même changé de nom. Dorénavant, il est appelé Règles Nelson Mandela.

• principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés sans vote par l’Assemblé Générale des Nations Unies le 14 décembre 1990.

• code de conduite des Nations unies pour les responsables de l’application des lois.

• l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement de 1988.

II- Les normes régionales

• La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 (ratifiée par la République du Congo le 09 décembre 1982)

• les Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique adoptées par la CADHP en mai 2014 (Lignes directrices de Luanda)

III- Les normes nationales

• la Constitution du 25 octobre 2015 

Le préambule de la Constitution de la République du Congo du 25 octobre 2015 précise que sont partie intégrante de la Constitution, les principes fondamentaux proclamés et garantis par la Charte des Nations Unies,  la Déclaration universelle des droits de l’homme,  la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,  la Charte de l’Unité nationale et la Charte des droits et des libertés du 29 mai 1991,  tous les textes régionaux et internationaux pertinents dûment ratifiés, relatifs aux droits humains. 

Article 223 de la Constitution du 25 octobre 2015 : « Les traités ou les accords, régulièrement ratifiés ou approuvés, ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie. »

• le Code de procédure pénale congolais

Ces quelques normes énumérées ci haut nous renseignent que, quoique privés de libertés, les détenus restent des personnes avec tout ce que cela implique comme droits fondamentaux. Voilà pourquoi il est impérieux pour l’ACAT Congo de communiquer sur les droits des personnes privées de liberté et par la même occasion, interpeller l’Etat sur sa responsabilité dans leur mise en œuvre puisque l’intégrité et le bien-être des personnes privées de liberté dépendent entièrement des autorités.

Ensemble des règles minima congolaises relatives au traitement des détenus (RMT)

Ces droits, à n’en point douter encadrent toute la procédure pénale de l’interpellation jusqu’à la détention et sont de six (6) grands ordres à savoir :

A. La présomption d’innocence

B. Le droit à la défense

C. Le droit à la propriété

 D. Le droit de vote

E. Contact du détenu avec le monde extérieur

F. Le transport du détenu

G. Le droit à une sépulture honorable

Christian LOUBASSOU a indiqué que loin de nous, la prétention de développer de manière exhaustive tous ces droits, nous nous résolvons de vous en présenter quelques-uns en prenant le soin de nous appuyer sur ceux qui ont attrait spécifiquement sur la vie en prison objet de notre conférence de presse.

. La présomption d’innocence

Ce droit s’impose à tout individu depuis son interpellation jusqu’à la privation de sa liberté. C’est ce qui fait que la personne privée de liberté doit être traité en conséquence jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie au cours d’un procès public pour lequel elle a reçu toutes les garanties nécessaires à sa défense. (Principe 36), Règle 84.2 et article 9 (constitution)

2. Le droit à un conseil

Ce droit autorise le prévenu d’avoir un avocat et de le recevoir à tout moment en vue de préparer sa défense. S’il n’en a pas les moyens, il peut demander la désignation d’un avocat d’office conformément à la loi no 001/84 du 20 janvier 1984 portant réorganisation de l'assistance judiciaire. Cette loi prévoit les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire (niveau de ressource, nature du litige, procédure de demande).

Pour garantir le principe de la confidentialité, les entrevues entre le prévenu et son avocat peuvent être à portée de la vue, mais ne peuvent être à portée d’ouïe. (Règle 93).

3. Le droit au maintien des liens familiaux et amicaux

L’exercice de ce droit doit être garanti dans le but d’assurer une bonne préparation du détenu à une resocialisation à la fin de sa détention. Le détenu est autorisé à recevoir des visites familiales, amicales et autres (Règles 37 et 92). Ces contacts doivent également être maintenus par le biais des correspondances épistolaires, téléphoniques, électroniques etc.

le principe 19 de l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement corrobore ce droit et précise que : « toute personne détenue ou emprisonnée a le droit de recevoir des visites, en particulier des membres de sa famille et de correspondre en particulier avec eux, et elle doit disposer de possibilités adéquates de communiquer avec le monde extérieur sous réserve des conditions de restrictions raisonnables que peuvent spécifier la loi ou les règlements pris conformément à la loi ».

En outre, le détenu doit être incarcéré près de son domicile afin de faciliter les visites familiales et amicales. (Principe 20 de l’ensemble des principes)

Le transfèrement du détenu ne doit intervenir que lorsque sa famille a été dûment informée.

4. Le droit à la santé

 (Principe 24) « Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d’emprisonnement ; par la suite elle bénéficiera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s’en fera sentir. Ces soins et traitements seront gratuits ». (Principe 22)Les expériences médicales ou scientifiques sont prohibées

Ce droit à la santé fait appel à d’autres réalités et conduire le médecin à faire régulièrement des inspections et à conseiller le directeur en ce qui concerne : la quantité, la qualité, la préparation et la distribution des aliments ; hygiène et la propreté de l’établissement pénitentiaire, les installations sanitaires, l’éclairage et la ventilation de l’établissement ; la qualité et la propreté des vêtements de la literie des détenus ; l’observation des règles concernant l’éducation physique et sportive.

5. Le droit à la protection de l’intégrité physique

Le personnel pénitentiaire ne doit en aucun cas et sous aucun prétexte faire usage de la force. Le recours à la torture est interdit. Le droit national, régional et international garantit de manière générale la protection de l’intégrité physique de la personne humaine. La Déclaration Universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politique proscrit le recours à la force. « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ». De même l’article 5 du code de conduite des Nations Unies des Responsables de l’application des lois dispose « aucun responsable de l’application des lois ne peut infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou quelque autres peines ou traitement inhumain ou dégradant ». Enfin la constitution congolaise dispose également à son article 11 alinéa 2 que « … Tout acte de torture, tout traitement cruel, inhumain ou dégradant est interdit ».

Par ailleurs, de manière particulière, les RMT sont claires en ce qui concerne le respect de l’intégrité physique du détenu. La règle 31 interdit comme sanction disciplinaire, les peines corporelles, la mise au cachot obscur, ainsi que toute autre sanction cruelle, inhumaine ou dégradante. Par conséquent, les peines comme l’isolement et la réduction de la nourriture ne doivent pas être utilisées comme sanction. Ainsi, toutes les mesures punitives qui risquent d’altérer la santé physique ou mentale du détenus ne devraient pas être envisagées, à la rigueur devraient être soumis au contrôle du médecin. « Les instruments de contrainte tels que menottes, chaînes, fers et camisoles de force ne doivent être appliqués comme sanction disciplinaire. » (Règle 31). Faire porter des chaînes à un détenu dans une cellule pourrait être considéré comme une violation de l’article 5 .

Néanmoins certains moyens de contraintes sont acceptés dans certains cas. Par exemple, une mesure de prévention contre une évasion éventuelle notamment pendant les transferts. Ces moyens qui peuvent être utilisés lorsque le détenu n’est pas maîtrisable, risque de porter préjudice à lui-même ou à autrui ou de causer des dégâts. Dans toutes ces situations le médecin de l’établissement pénitentiaire doit visiter tous les jours les détenus qui subissent des sanctions disciplinaires, faire le rapport, conseiller les autorités compétentes.

6. Le droit à une alimentation suffisante et équilibrée

Il est une obligation pour l’administration pénitentiaire de nourrir les détenus. « tout détenu doit recevoir aux heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisante au maintien de sa santé et de ses forces » . Cette obligation va de pair avec celle de fournir de l’eau potable aux détenus quand ils en ont besoin.
Le détenu n’est pas tenu lorsqu’il en a la possibilité, de se nourrir de la ration pénitentiaire. Il peut recevoir la nourriture provenant de sa famille, de ses amis, ou se nourrir à ses propres frais.

7. Le droit à l’enseignement, à l’éducation et/ou à la formation professionnelle.

La prison doit être un endroit où l’on apprend le savoir vivre en société. L’instruction des analphabètes est obligatoire (Règle 77.1). La prison doit alphabétiser ceux qui ne l’étaient pas avant d’y entrer. Pour ceux qui savent lire et écrire la règle 40 recommande qu’une bibliothèque soit mise dans les établissements pénitentiaires. La formation personnelle par la lecture, l’écriture ainsi que d’autres moyens d’occupations devraient être encouragés (Règle 90). S’agissant de la formation professionnelle, la règle 71.5 dispose qu’il faut donner une formation professionnelle utile aux détenus. Voir aussi principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus n°6.
Ces droits liés à l’épanouissement personnel participent à la limitation de l’oisiveté du prisonnier, il en est de même que le droit aux loisirs.

8. Le droit aux sports et aux loisirs

Il s’agit ici d’un droit qui permet au détenu de vivre dans les mêmes conditions que celle de la vie courante. Les activités sportives et de loisirs participent au bien-être du détenu. « Le détenu qui n’est pas occupé à un travail en plein air doit avoir une heure au moins par jour d’exercice physique approprié en plein air. A cet effet, le terrain, les installations et équipements doivent être mis à leur disposition.

9. La non-discrimination

Les prisonniers doivent être traités sans aucune discrimination fondée sur les croyances, les opinions politiques, la race, le sexe, etc. « Il ne sera fait aucune distinction fondée sur des raisons de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre, d’origine nationale ou sociale, de richesse, de naissance et de situation. (Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus n°2, voir aussi Principe 5 de l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumise à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, égalité de tous les détenus dans l’accès aux services médicaux, à l’alimentation, à l’hébergement, aux activités culturelles et à l’enseignement. )

Néanmoins la règle de séparation n’est pas une contradiction de ce principe de non-discrimination.

• La règle de séparation : Les détenus jugés dangereux doivent être séparés de ceux qui ne le sont pas. De même, les femmes doivent être séparées des hommes, les mineurs des adultes, les malades des personnes saines, les condamnés des prévenus, etc. (voir à ce sujet règle 67, 68, 85.2)

Après tout ce qui précède, nous sommes à même de dire que "La prison c’est la privation de la liberté d’aller et de venir et rien d’autre" et cette conférence de presse à laquelle vous participez doit être un point d’encrage pour commencer à promouvoir les droits du détenus au niveau de notre société afin que toutes les personnes, toutes les catégories sociales s’en imprègnent car « un Homme qui vous ressemble » privé de liberté ne devrait pas laisser un regard indifférent à ses semblables, a conclu le Président de l’ACAT Congo.

 

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